Rencontre avec Philippe Druillet
Dessinateur et scénariste de bande dessinée, il publie son premier livre en 1966.
En tant que dessinateur et concepteur d'univers, comment voyez-vous Star Wars par rapport aux sagas passées ?
Philippe Druillet : Lucas et moi sommes issus d'une culture européenne et chevaleresque qui a deux ou trois siècles d'histoire.
Je pense notamment au "Roman de la Rose" (1237), au Romantisme, à l'heroic fantasy.
Et aussi aux symbolistes du XIXe siècle —
la princesse Leila n'est pas éloignée de certaines peintures anglaises et françaises de cette époque.
On raconte toujours la même histoire, nourries des mêmes thèmes profonds que ce soit chez Perrault, Grimm, les contes du Rhin, les histoires celtiques, les fables de la Fontaine : il y a le mal, le bien, la femme aimée, le père créateur, celui qui détruit... À chaque siècle, on reconstruit ces mythes avec une nouvelle lumière, avec le langage et le regard du monde dans lequel on vit.
C'est ce que fait Lucas à travers le cinéma et la 3D.
Il y a donc une continuité puisqu'il a créé un "opéra de Wagner moderne".
Lucas a rendu hommage à votre travail. S'est-il inspiré de vous ?
Philippe Druillet : George m'a fait une belle préface dans les années 80 pour une de mes éditions.
S'il me l'avait demandé, j'aurais fait la même chose.
Nous sommes de la même famille, de la même génération, on a grandi de la même manière.
Nous sommés nés en 1944 — période nourrie par la musique, les arts, le rock, la littérature, la bande-dessinée, le graphisme, l'Expressionnisme, le cinéma, etc.
Nous avons été fascinés par les mêmes images, les mêmes délires, marqués tous deux par des films comme "Planète Interdite" (Fred McWilcoxen 1957), ou plus anciens tel le "Métropolis" de Fritz Lang.
Cet homme sensible et intelligent a fait la synthèse de ces influences générales, notamment celles de notre enfance, pour construire un univers précis, comme je le fais également dans mon travail.
D'ailleurs, il aurait très bien pu porter à l'écran la série Superman.
Quant à la BD française, Mézières dit que Star Wars lui aurait beaucoup emprunté. Même si je l'aime beaucoup, je ne partage pas cet avis.
Pour moi, le design de l'opéra Star Wars a été fortement nourri par l'esthétique de la NASA et de la Navy.
Les soldats blancs et noirs ont été inspirés d'un jouet japonais (j'ai un livre pour preuve dans ma bibliothèque) datant de 1973/74.
En outre, George est l'une des rares personnalités de cet ordre auquel on envoie un livre et qui vous répond quinze jours après en disant : "merci Philippe, parce que cela me fait plaisir, ton dernier livre est sympa".
J'ai beaucoup de courriers de lui et c'est touchant. Certes, on est de la même génération, mais nous ne sommes pas nés dans le même pays.
Suite au prochain numèro
j'attend d'abord vos commentaires sur ce que vous venez de lire pour donner la suite de l'interview.