Répondant présent à l'hommage rendu au cinéma bis italien lors du dernier festival de Valenciennes, Luigi Cozzi se soumet aux questions d'Ecran Large pour le plus grand plaisir des lecteurs cinéphiles. Retour sur une carrière ponctuée de bons et de moins bons films où l'assistant et scénariste de Dario Argento ne mâche pas ses mots…
Que pensez vous de ce regain du public pour le cinéma de genre italien des années 60-70?
C'est très bien ! Les films sont toujours projetés dans le monde, cela prouve qu'ils fonctionnent toujours ; bien que certains aient disparu…
Appréciez vous plus la reconnaissance de la critique aujourd'hui de ces films alors qu'elle les avait, en majorité, descendu lors de leurs sorties ?
À l'époque où nous tournions ces films, nous savions que la critique ne les aimait pas donc nous faisions ces films pour le public. À leurs sorties, la plupart de ces films dont Starcrash, ont beaucoup marché ; ils étaient reconnus par le public mais pas par la critique qui a eu, là, un train de retard. Lorsque j'étais petit, j'adorais aller dans le cinéma de mon quartier pour voir des films de science fiction et je savais déjà que la critique n'aimait pas ce genre de films mais je m'en foutais. (rires). Mario Bava qui est un maître, n'était pas considéré comme tel quand ses films sortaient, la critique pensait que c'était de la déchet.
Ce qui est drôle c'est que Lucio Fulci est reconnu aujourd'hui comme un réalisateur important…
Oui ! Il était traité comme un réalisateur de déchet. (rires). J'ai été critique de cinéma moi même, j'ai écrit sur le cinéma et j'ai toujours pensé qu'on ne peut pas juger un film dès sa sortie. Cela doit se faire dans le temps car on a vu de nombreux exemples de films considérés comme des classiques aujourd'hui alors qu'ils étaient mauvais à leur sortie. Le temps donne raison à la plupart des films.
Vous avez écrit de nombreux giallos dans les années 70. Etiez-vous content de la manière dont ils étaient adaptés?
J'ai travaillé avec Dario Argento qui est un réalisateur fantastique donc j'étais très content de son travail sur mes scénarios. J'aime également mes autres films réalisés par d'autres réalisateurs car le style giallo de cette époque était unique. Le temps a donné raison à tous ces films. J'ai fait un film The killer must kill again (1975) qui est reconnu aujourd'hui en Angleterre et aux Etats-Unis alors qu'à sa sortie il n'avait pas eu tous ces honneurs. Aujourd'hui, il est plus facile de dire quel film est bon ou pas…
Je pense que l'on peut remercier Quentin Tarantino pour ça, vu qu'il cite souvent des films italiens…
Pas que lui…Steven Spielberg fait également référence au cinéma italien. Dans Le monde perdu, il y a un tel trou narratif à la fin du film où l'on sait pas comment le dinosaure a disparu du bateau que cela m'a rappelé la technique narrative qu'employait Lucio Fulci. On ne sait pas comment ni pourquoi mais l'effet est là. (rires) L'effet est plus fort que la raison.
C'est ce qui fait la force du cinéma de série B italien et sûrement ce qui a fait que les critiques n'ont pas aimé ces films à leur sortie…
Je n'ai pas une très bonne opinion des critiques car en Italie, elle a été moins ouverte. En France, vous avez eu François Truffaut, Claude Chabrol etc. qui ont fait des films et sont devenus de grands réalisateurs. En Italie, en particulier dans la presse quotidienne, les critiques parlaient, la plupart du temps, de l'histoire du film qui sortait. À la fin, on se retrouvait avec comme « critique » : il y a de belles images, de bon acteurs et des belles couleurs…S'il y avait un grand article dans un journal pour un film, c'était de la politique. Si un film était fait par un réalisateur de gauche, il y avait un grand article dans un journal du même bord politique…mais ces films ont disparu. Quelle est la valeur de tout cela ? Si vous y pensez, quels sont les classiques à caractère politique ? Je n'en vois pas beaucoup. On peut citer Casablanca qui est aussi un film d'aventures et un film romantique. C'était des films d'un autre genre.
Star crash, malgré son côté kitsch et daté, est toujours enthousiasmant à regarder et puis il y a une musique signée John Barry. Quel regard avez vous sur ce film aujourd'hui ?
J'ai revu le film l'an dernier à Paris au cinéma Action et les jeunes aiment encore le film aujourd'hui. Il fait toujours effet, ça prouve qu'il a encore de belles années devant lui. Lorsque j'ai fait ce film dans les années 80, je lui avais donné un rythme très soutenu qui marche encore de nos jours et qui plaît aux jeunes générations. C'était un film important car c'était le seul space opéra européen. De mémoire, je pense que c'est l'unique space opéra européen. (rires). Il a très bien marché à l'étranger surtout aux Etats-Unis, ce qui est très dur pour un film étranger.